A 20 km des côtes de Sfax, à fleur d’eau, au bout d’une mer de jade des plus calmes, apparaissent ces îles préservées. Derrière un pudique rideau de palmiers, les Kerkenniens vivent, isolés du monde.
Kerkennah est essentiellement composée de deux îles : Gharbi, l’occidentale, de 15 km sur 7 km, et Chergui, l’orientale, de 42 km sur 8 km. Toutes les autres îles, Chermadia, Gremdi, Roumedia, Sifnou et bien d’autres, sont plus petites et inhabitées. Une large route pourfend aujourd’hui l’archipel : le ” boulevard de l’Environnement “. Ici, on l’appelle le ” tapis “.
Après le bain de foule forcé du débarquement à Sidi Youssef, la route semble toute tracée pour emmener le visiteur vers un monde inconnu, mais déjà attirant. Axe unique, elle file au travers d’une immense palmeraie, ralentit dans le bourg de Mellita, petite et seule agglomération de Gharbi, pour arriver sur Chergui, la grande Kerkennah où se regroupe la majeure partie de la population, en une quinzaine de villages. Remla en est la ” capitale “, le centre administratif. C’est là que se trouvent l’hôpital, le lycée et le dépôt de bus qui dessert toute l’île.
Sur Kerkennah, pas d’embouteillages. On y verra fréquemment passer la traditionnelle charrette tirée par un âne nonchalant.
Le pays de la mer. La vie sur l’île est rude, malgré tout le charme qui s’en dégage. On vit ici surtout de la pêche, d’un peu d’agriculture et d’artisanat.
Les Kerkennah ne sont entourées que de hauts-fonds que la marée couvre et découvre largement.
Cette configuration a favorisé, tout d’abord, l’implantation des pêcheries fixes. De tout le gouvernorat de Sfax, l’île détient la plus grosse densité de bateaux. Tout bon Kerkennien possède une barque ou une felouque… Il est d’ailleurs un spectacle à ne pas manquer au lever du soleil : le départ en mer. L’homme s’en va relever ses casiers. Si la pêche n’est pas miraculeuse, le Kerkennien est tout de même heureux. C’est un trait de son caractère, celui des Tunisiens en général.
Kerkennah est un des endroits sur terre, peut-être le seul, où l’on peut être propriétaire de la mer. L’histoire remonte à la fin du XVIIIesiècle. Des Sfaxiens, plus rusés que d’autres, voulurent faire croire aux Kerkenniens qu’ils avaient acheté des parcelles de mer autour de l’archipel, ce qui les autorisait à venir pêcher sur leurs territoires.